Chapitre
1
Le chant des oiseaux remplissait
l’air et une légère brise virevoltait à travers la forêt, dansant brillamment
parmi les arbres. Les rayons réchauffant du soleil ruisselaient doucement du
haut des branches. Les arbres qui longeaient la route étaient chargés de
nouveaux bourgeons, et l’odeur du printemps embaumait l’air. La vie, dans la
forêt environnante, exaltait dans l’air tiède les promesses de la nouvelle
saison.
Aldrick respira profondément,
prenant plaisir à sentir les odeurs de l’air limpide. Les hivers ici en
Asturia n’étaient pas aussi sévères que ceux du Royaume nordique d’Illyria,
mais ils étaient suffisamment rudes pour que le printemps soit un changement
bienvenu. La route, sur laquelle Aldrick et sa femme voyageaient, était boueuse
des fontes de neige printanières et les sabots de leurs chevaux pataugeaient et
clapotaient sur leur chemin.
Aldrick se baissa pour passer sous
une branche basse et jeta un regard en arrière sur sa femme Jelénna, alors
qu’elle guidait son hongre brun autour d’une large flaque. Jelénna, dans sa
robe d’équitation cossue mais jolie, fit le tour de la fâcheuse flaque et amena
son cheval parallèle au sien. Elle lui rendit son sourire quand elle croisa son
regard.
Son cœur grossit quand il vit ce
sourire si spécial qu’elle réservait toujours pour lui seul. Ce sourire était
une des raisons pour laquelle il était tombé amoureux d’elle. Aldrick était
souvent émerveillé par le fait, qu’après tout ce temps, il aimait toujours
autant sa femme qu’au jour où il l’a marié, si ce n’était plus encore.
« Qu’y a t’il
Chéri ? » Demanda Jelénna, glissant distraitement les doigts de sa
main droite à travers sa longue chevelure auburn.
« J’étais juste en train de
penser à combien je t’aime »
« Je t’aime aussi ».
Aldrick sourit à nouveau. Il lui
semblait qu’il souriait tout le temps quand il était avec elle. Il jeta un coup
d’œil à son fils Adrias, qui suivait derrière, sur un son propre beau poulain.
Il était heureux que le fait d’avoir une famille ait changé sa vie pour le
mieux. Il avait été très inquiet par l’idée d’avoir une famille quand il était
plus jeune, mais maintenant il ne pouvait imaginer sa vie sans elle.
« Comment vas-tu
fils ? »
« Très bien, Père »
Adrias répondit distrait, il chassait une grosse mouche qui lui bourdonnait
autour de la tête.
Aldrick hocha fièrement de la tête
et se retourna sur sa selle pour scanner la route devant lui. Il a appris il y
a très longtemps qu’il était sage d’être prudent quand on voyageait par les
chemins, même ici sur la route qui mène à Akkadia, la Capitale d’Asturia.
« Tu te rends compte que ça
fait presque quinze étés que nous nous sommes rencontrés pour la première
fois? » Jelénna demanda de sa voix musicale.
Aldrick regarda sa femme d’une
rare beauté. « Ça fait si longtemps ? »
Jelénna avait l’air exaspéré qu’elle
prenait souvent quand il était distrait, généralement quand il avait le nez enfoui
dans un livre et n’écoutait qu’à moitié.
« Oui Chéri. Après tout,
Adrias aura bientôt 10 étés, le même âge que tu avais quand Hermanus devint Roi
d’Asturia. Comment se fait-il que tu puisses te rappeler les noms de gens qui
ont vécus il y a des centaines d’étés, mais que tu ne parviennes pas à te rappeler
combien de temps cela fait que nous nous sommes rencontrés ? »
Aldrick parvint à prendre un air
gêné. « Je tiens ça de mon père, comme tu le sais très bien. Il peut se
rappeler des centaines de lois et de précédents historiques, ainsi que de nombreuses
règles et régulations qui l’aident à conseiller le Roi. Je suis certain que le
Roi Hermanus n’aurait jamais put gérer sa cour sans mon père, pourtant il est
incapable de seller son propre cheval ou de faire cuire un œuf. Donc, en
vérité, c’est lui que tu dois blâmer.»
Jelénna gloussa. « Il est
brillant, mais effectivement, il peut paraitre pitoyablement sans défenses
parfois. Au moins tu as un tout petit peu
plus de bon sens que lui. »
« Je t’ai marié,
non ? » Aldrick échangea un autre de ces sourires spéciaux avec sa
femme bien-aimée.
Le fait de mentionner son père Tibérius,
ramena ses pensées au voyage qu’ils faisaient en route pour Akkadia pour le
tournoi du Roi qui était sur le point d’avoir lieu. Maintenant que le Roi
Hermanus est mort, et que son fils Brodan agissait en tant que Régent, un
nouveau tournoi fut annoncé pour choisir un nouveau Roi. Le dernier tournoi du Roi avait eu lieu il y
a moins de 20 étés, après la mort de vieillesse du Roi précédent. A ce moment là,
Hermanus avait été le vainqueur du tournoi et était devenu le nouveau Roi.
Le pays d’Asturia choisit ses
monarques par un tournoi, avec une série de concours testant les prouesses
physiques ainsi que mentales. Bien que le système de Tournoi en Asturia ait eu
ses détracteurs par le passé, Aldrick croyait vraiment que c’était largement
supérieur à l’ancien système de royauté héréditaire.
En passant ces tests exténuants,
un candidat prouvait clairement au royaume qu’il était qualifié pour être un
bon dirigeant plutôt que d’être simplement la progéniture fortuite du Roi. A
son avis, les pays comme Illyria qui choisissent leur nouveau roi par hérédité,
plutôt que par la méthode prouvée du Tournoi se dérobait eux-mêmes de
l’opportunité de bon nombre de candidats potentiels.
C’était plutôt inhabituel d’avoir
un autre Tournoi du Roi après seulement vingt étés par contre, particulièrement
parce-que le Roi Hermanus n’était pas très vieux quand il est mort. Nous étions
en temps de paix, et le Roi avait très certainement accès aux meilleurs médecins
du pays, pourtant, même eux ne pouvaient le protéger contre le plus couteux des
ennemis, le ravage de la maladie.
Tout juste comme la majorité des
hommes qui participaient au Tournoi du Roi, Hermanus avait été un jeune
guerrier vibrant, fort et intelligent. Au moment de sa mort prématurée,
Hermanus avait été en bonne santé et en pleine forme pour ses 50 étés, avec accès
à des aliments sains, et toutes les herbes et potions qu’il aurait requis.
Pourtant, quand le Roi est tombé
malade de façon si inattendue l’hiver dernier, même les meilleurs médecins
n’avaient pas put déterminer quelle horrible et débilitante maladie il avait
attrapé, et encore moins comment la combattre. Le Royaume fut choqué par les
nouvelles qui annoncèrent qu’après un rapide déclin de ses forces, le Roi
Hermanus gisait mort. Le règne paisible d’un dirigeant sage, juste et bon
arriva abruptement à sa fin.
Adrias avait
maintenant le même âgé qu’Aldrick avait durant le dernier Tournoi du Roi. Ses
souvenirs de cette époque étaient flous maintenant, pour la plupart des flashs d’évènements qui lui viennent à l’esprit. La grande partie d’entre eux, à
jamais perdu dans le brouillard du temps. Avec de l’espoir, pensa t-il, Adrias
pourra un jour se rappeler les nombreux bons souvenirs qu’il fera pendant ce
tournoi.
Aldrick ferma
les yeux et tenta d’imaginer à quoi ressemblerait son fils d’ici vingt étés.
Abruptement, l’image qu’il avait d’Adrias dans sa tête se tordit en une image
de trois jeunes garçons se tenant au milieu d’une route.
Étrangement, la
route apparaissait très similaire à celle sur laquelle il chevauchait
actuellement. Aldrick sentit que les trois gamins, bien qu’ils semblaient
jeunes, étaient d’une certaine façon plus expérimentés qu’ils ne le
paraissaient. L’image était trouble, comme la plupart des rêves prophétiques éveillés
qu’il avait eu tout au long de sa vie d’adulte.
Il était incapable
d’expliquer pourquoi, lors de ces rares moments, il était capable de voir des
flashes et des images qui semblait avoir un sens plus profond.
Inexplicablement, la plupart de ce qu’il voyait viendrait à se passer plus tard. Il apprit à prêter attention
à ces flashs, pourtant, comme c’était souvent le cas, il avait actuellement
aucune idée de ce que voulait bien dire ces images.
« Tu m’écoutes ? »
Aldrick ouvrit
les yeux. « Pardon mon amour, qu’est-ce que tu as dis ? »
Jelénna soupira
et pointa le long de la route. « Je
t’ai demandé si tu avais vu ces enfants qui se tiennent au beau milieu de la
route ? »
Ils arrivaient à
un endroit ou les arbres au bord de la route étaient plus serrés les un contre
les autres et le branchage au-dessus était plus épais et l’ombre en dessous y
était plus profonde. Aldrick regarda à travers l’obscurité approchante dans la
direction que lui pointait sa femme.
Trois gamins vêtus
d’ombres, alignés au travers de la route, leur barraient le chemin. Plus
surprenant encore, les gamins étaient vêtus d’armure et brandissaient des épées,
des armes qui paraissaient être bien trop grandes pour leurs si petits
physiques.
Bien qu’il fût
difficile de le déterminer dans l’obscurité grandissante, il parut à Aldrick
que les garçons se tenaient derrière une brume chatoyante. Un rideau iridescent
irradiait devant eux, en tourbillonnant. Leurs formes et leurs tailles se
tordaient et s’étiraient quand Aldrick tournait la tête. L’effet entier
alternait entre flottant à la limite du champ de vision et l’invisibilité.
Aldrick et sa
famille arrêtèrent leurs chevaux d’un seul mouvement. Gardant les yeux sur les
enfants au milieu du chemin, Aldrick se pencha vers sa femme et lui dit à voix
basse, « Dis-moi ce que tu vois. »
Jelénna fixa
son mari. « Que veux-tu dire, qu’est ce que je vois ? Je vois 3
enfants sans supervision d’adultes jouant à la guerre avec des armes bien trop
grandes et dangereuses pour qu’ils puissent les avoir. A part ça, ils ne
devraient certainement pas barrer la route à des voyageurs honnêtes. »
« Et le
rideau de brume iridescent autour d’eux, tu le vois ? »
Jelénna plissa
les yeux pour mieux voir à travers le jeu d’ombres et de lumières dans la pénombre
des arbres. Secouant la tête lentement, elle répliqua « quelle
brume ? Je ne vois que les trois garçons.»
Aldrick grimaça et tendit les rênes
de son cheval à sa femme. Il lança une jambe par-dessus la selle et sauta à
terre. Croisant son regard il lui lança un sourire engageant. « Reste ici,
je vais voir de quoi il s’agit ».
Retournant son regard vers le
trio, Aldrick n’arrivait pas à se débarrasser d’un sentiment incapacitant de
danger imminent. Bien que sa femme puisse avoir raison, que ces garçons aient
put trouver ces armures et ces armes et ne jouaient qu’à la guerre, il
n’arrivait pas à s’enlever de la tête la vision qu’il avait eu.
Il vérifia rapidement qu’il avait
bien les deux épées, qu’il portait attachées à son dos, s’assurant qu’elles
glissaient librement dans leurs fourreaux. Relâchant les poignées, Aldrick s’avança
pour confronter les trois gamins.
A son approche, le gamin du milieu
s’avança, portant une grande épée à deux mains. Il y avait une telle divergence
entre la taille de la grande épée et la stature diminutive de l’enfant qu’Aldrick
en aurait rit à le voir si ça avait été
sous d’autres circonstances. L’incongruité de ce qu’il voyait, ajoute à son rêve
prémonitoire d’auparavant, lui rappela de rester vigilant.
« Puis-je vous aider les garçons ? »
Demanda Aldrick, essayant de paraitre nonchalant. Il devint encore plus
suspicieux quand le gamin du milieu fit un pas en avant. Aucun d’eux ne parlait,
mais dans la pénombre dansante, il était certain d’avoir vu l’ombre d’un
sourire dans le visage du meneur.
Il était en train de contempler
s’il devait dégainer ses épées contre des enfants, quand le meneur fit, à ses
compagnons, un signe de la main si rapide qu’il fut presque invisible. Cette
communication non-verbale et le sérieux de son approche suffit à Aldrick. En un
flash, il dégaina ses deux épées et se maintint en attente, prêt.
« Qu’est-ce que tu es en
train de faire Aldrick ? » lui lança sa femme. « Par
l’Omni-Père, arrêtes tes simagrées ! »
Il entendit Adrias souffler de
surprise. Aldrick les ignora tous les deux, et changea de position en attendant
l’attaque. Le beau jour de printemps et les nuages cumulus qui flottaient là
haut sur une légère brise, furent également relayés au fond de sa pensée. La
seule chose sur laquelle il se focalisa, était l’ennemi devant lui, car quand
il avait tourné la tête pour scanner les bords de la route, sa vision
périphérique avait coupé au travers du voile iridescent pour voir la vraie
nature des trois enfants derrière la brume d’illusion.
Voyageant innocemment, en route pour le Tournoi du Roi, par un
magnifique jour de Printemps, Aldrick et sa famille étaient attaqués, non pas
par trois enfants jouant à la guéguerre, mais par trois mercenaires aguerris.
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