mardi 7 mai 2013

Chapitre 3 - L'Emergence de l'Aneantisseur






Chapitre 3




Ce soir là, ils arrivèrent à l’auberge et retinrent une chambre. Après leur toilette, ils dinèrent sombrement dans la salle commune avant de se retirer pour la nuit. Ils avaient été peu bavard pendant le reste du trajet, et guère plus pendant le diner. Alors qu’ils étaient au lit, Aldrick savait bien qu’il devrait rompre le silence et consoler sa famille, mais il ne parvenait pas à en trouver les mots. Il n’avait lui-même, toujours pas réconcilié les horribles évènements de l’après-midi avec la réalité. La scène avec Jelénna, une dague à la gorge, se rejouait sans cesse dans sa tête, et il ne pouvait que frissonner d’horreur à l’idée qu’il avait faillit perdre sa famille.
D’après le remue-ménage que menaient les deux autres autour de lui, il était clair qu‘ils ne parvenaient pas dormir non plus. Il se leva et alluma la mèche d’une bougie aux braises de la cheminée, et la dressa sur une table bancale près du lit, de son coté.
« Tu n’arrives pas à dormir non plus ? » chuchota Jelénna.
« Non. »
« Je ne dors pas non plus » s’écria Adrias de sa couchette dans le coin de la pièce. « Lis-moi une histoire, Père !»
Aldrick grimaça, « Il est tard, essaye de dormir »
« Aaaah, s’il te plait ! Tout le monde est réveillé »
Aldrick soupira. « D’accord, mais je te préviens, le seul livre que j’ai amené est le livre d’Anunnabi. »
« Je veux une histoire ! »
« Bon, bon d’accord, laisse-moi le chercher. »
Aldrick fouilla dans son sac et en retira un livre ancien, relié de cuir. Sur la couverture bien usée, figurait un titre doré à l’or fin, qui était presque tout effacé par l’âge. Aldrick en sourit à sa vue, malgré lui.
 
Se frottant les yeux, il se rassit sur le lit et approcha la chandelle un peu plus près.
« Si tu trouves ça barbant, rappelle-toi que c’est toi qui l’as demandé. » Gloussa Aldrick, et puis il commença à lire.

« Avant même que n’existasse le temps, il n’y avait nulle autre chose que le néant des ténèbres sans fin, dans lequel s’éternisait l’esprit que l’homme vint à appeler de nos jours : l’Omni-Père. »

« Est-ce que toute l’histoire est dans ce drôle de langage ? » Interrompit Adrias.
Aldrick se mit à rire. “Oui bien sûr. C’est ainsi que parlaient les gens jadis. Puis-je continuer ? »
Adrias, se laissa retomber sur sa couchette en soupirant. « Je suppose que oui. »
Aldrick retint son sourire en se raclant la gorge et continua.

« Il est dit que l’Omni-Père, se lassant de la solitude, conçut la notion de temps et celui de la matière, et, d’une seule pensée, leur insuffla la vie. L’Univers physique ainsi fut, et, blottis dans le berceau du temps qui passe, les cieux jaillirent en existence »

« Comme c’est rasant ! » Interjeta Adrias.
« Je t’avais prévenu. »
« Mais ça l’est. »  Gémit Adrias.
Aldrick secoua la tête « Dois-je m’arrêté là ? »
« Non, vas-y continue »

 « L’Omni-Père trouva que sa domination sur l’Univers Physique était restreinte par le fait d’être hors du temps et de la matière. Pour amplifier sa puissance sur la création, l’Omni-Père conçut alors un réceptacle pour recevoir une portion de Sa force dans la dimension physique. C’est ainsi que cet appareil astrale que l’Homme nomma Tritaph vint à être. »

« Le Tritaph ? »
« La clef de voûte de l’Univers » Aldrick expliqua. « C’est la chose la plus importante qui n’ait jamais été créée. Ne vous enseignent-ils donc rien à l’école ? »
«  Barbant… » Murmura Adrias.
Aldrick se tourna vers Jelénna. « Au moins, il dit la vérité. »
Jelénna sourit et se blottit contre lui. Aldrick embrassa rapidement sa femme et puis continua à lire.

« C’est alors que l’Omni-Père reconnu l’exigence d’une souveraineté sur les trois nivaux de l’Univers, qui sont constitués des cieux au-dessus, la Terre en-dessous et Urkalla, ou l’au-delà, comme est souvent nommé par l’Homme ce niveau. Ainsi donc, l’Omni-Père prit le Tritaph et appela à l’existence, trois Gardiens pour régner sur chacun d’eux. »

« C’est le Panthéon Tripartite, n’est-ce pas Chéri ? » Demanda Jelénna.
« Exact, les trois enfants de l’Omni-Père. Cependant, si tout le monde continue de m’interrompre, je n’en finirai jamais avec cette histoire.” Dit Aldrick, faisant semblant de soupirer d’exaspération.
Jelénna lui sourit simplement et il continua.
 
« Faisant paraitre la lumière pour en remplir les cieux, il fit don à son premier enfant, sa fille Anu, la domination sur le ciel infini. Anu était un esprit, léger, elle était pleine de joie, bonne, douce et d’une immense beauté. Anu était fougueuse, pleine d’entrain, tendre et affectueuse. Mais elle était aussi erratique et capricieuse que les vents.
Ensuite, l’Omni-Père mit en place le firmament de la Terre et installa son deuxième enfant, son fils Kian, le plus fort des trois, lui donnant la domination sur Terre. Solide et  fiable, il était beau et robuste. Incarnant la Raison, Kian aimait la vérité, le savoir et recherchait la justice. Kian veillait sur la terre avec sa force et son courage. Cependant, il négligeait souvent les relations nécessaires avec sa sœur dans les cieux et son frère dans l’au-delà, à Urkalla. »

« Kian a toujours été mon préféré » dit Aldrick en prenant une gorgée d’eau.
« Comme tu l’as dit à maintes occasions. » sourit Jelénna. « Maintenant, qui est en train d’interrompre ? »
Aldrick reposa son verre en riant doucement.

« Finalement, l’Omni-Père donna à son dernier enfant, son fils Nizar, la Domination sur Urkalla. Régnant sur l’au-delà, Nizar s’aperçut qu’il ne pouvait influencer ni la vie qui tournoyait dans les cieux, ni la vie qui pullulait au firmament du monde. Son domaine ne consistait que de la Mort, l’équilibre nécessaire de la Vie. Ainsi, avec le temps, Nizar fut consumé par un incessant désir pour ce qu’il ne pouvait posséder. De son trône de crânes, il devint de plus en plus maladif de ne pas pouvoir s’emparer de l’objet de sa convoitise. Avec le passage des millénaires, il devenait de plus en plus envieux des Domaines de son frère et de sa sœur. »

« Il me fait peur, Père. » dit Adrias en levant la tête.
« Comme il se doit » répondit Aldrick du même avis. Réalisant qu’il était supposé distraire son fils de ces pensées négatives, il ajouta vite, « Mais ne t’inquiète pas, cela se passait il y a très longtemps. »

Adrias grogna quelque chose qui aurait put être assentiment, et Aldrick continua sa lecture, laissant tomber le sujet.

« Ainsi les trois dimensions de l’existence et le Panthéon Tripartite furent créés. Avec sa propre influence limitée dans l’Univers Physique, l’Omni-Père choisit de placer le Tritaph lumineux, en tant que Clef de Voûte de la création, pour maintenir l’équilibre entre chacune des trois dimensions de l’existence.
C’est donc ainsi qu’il advint que Nizar, dans son royaume d’ombres, fut de plus en plus consumé par la haine et la jalousie envers son frère et sa sœur, de sortes qu’avec le temps sa forme physique se transforma en une créature difforme et abhorrante, reflétant son tempérament intérieur. Abandonnant la Raison, Nizar vint à convoiter le Tritaph, croyant que sa puissance, puisqu’elle avait été la genèse du monde même de la vie, pourrait alors corriger ses difformités récentes et lui octroyer d’immenses pouvoirs.
Nizar parut alors devant son Père, et insista pour qu’il lui conférât le Tritaph. Nizar se plaignit que sa difformité était laide, injuste et qu’il méritait d’être beau et plaisant à regarder à nouveau, semblable à son frère et sa sœur qui eux étaient beaux et sublimes.
Mais par miracle, l’Omni-Père réprimanda Nizar, car il vit que le visage de son fils, n’était que le simple reflet de son tempérament intérieur. ‘Véritablement, tu es consumé par un désir et une envie exécrables, avec rien d’autre que l’hostilité et la jalousie dans ton cœur. Même la puissance du Tritaph ne pourrait défaire ce que tu as toi-même forgé sur ta propre chair avec ta haine et ta rancœur.’
Nizar courroucé, jura châtiment, proférant d’ignobles injures et épithètes, non pas à l’Omni-Père, car il était tout-puissant, mais plutôt à Sa Création, qui elle était éphémère. Ainsi Nizar convoitât le pouvoir du Tritaph et la promesse de sa puissance, et complotât dans son cœur de dérober la clef de voûte de l’Univers.
  
  Anu et Kian, découvrant son intrigue, craignirent désormais que leur frère défiguré s’accapare un pouvoir illimité avec la possession du puissant Tritaph. Ils savaient que si Nizar viendrait à posséder la clef astrale, il provoquerait un tel désastre au sein de l’Univers, qu’il engendrerait un chaos absolu, voire la destruction des dieux eux-mêmes.
Ils supplièrent donc l’Omni-Père de détruire le Tritaph, ôtant ainsi l’objet de convoitise malicieuse de leur frère. Ils espéraient donc désister l’anarchie et l’anéantissement de leurs deux domaines.
Tristement, l’Omni-Père rejeta la plaidoirie de ses enfants. Il ne pouvait détruire le Tritaph, car la perte de la Clef de voûte de l’Univers déferait la Création elle-même. Il ne pouvait pas détruire Nizar non plus, car il était désormais véritablement entrelacé avec Urkalla, et ne pouvait être anéantit sans que se rompe également l’équilibre de tout ce qui existait. Sans l’au-delà, la Terre et les cieux cesseraient aussi d’exister. »

Adrias ferma les yeux et baillât. Aldrick pausa, espérant pour le mieux, mais les yeux d’Adrias s’ouvrirent. Aldrick continua.

« Cherchant l’équilibre, l’Omni-Père trancha le Tritaph en tiers et donna à chacun de ses enfants, un morceau à garder. Ceci maintînt le pouvoir du Tritaph au sein de l’Univers Physique tout en assurant que personne ne puisse le posséder en entier. Et miracle ! L’Omni-Père façonna une clef sans laquelle, le Tritaph ne pourrait être réassemblé.
C’est ainsi que Ses enfants infusèrent une partie d’eux-mêmes dans leur tiers respectifs du Tritaph, chacun cherchant à protéger son morceau. Anu et Kian allèrent jusqu'à cacher subrepticement leur tiers, pour qu’il ne soit pas perdu, par apathie ou inattention à la convoitise de leur frère. Dorénavant, ses ambitions furent pour toujours contrecarrées, du moment que les trois morceaux du Tritaph ne soient jamais réunis.
 
Cependant, il est écrit, que si une personne vint à posséder, ne serait-ce qu’une seule pièce du Tritaph, le possesseur obtiendrait des pouvoirs inouïs. On dit aussi que de se lier à un tel objet, infusé qu’il est de l’essence même de son Protecteur, forcerait l’esprit de son véritable Propriétaire –Anu, Kian ou Nizar- de fusionner et peut-être inexorablement usurper l’âme même du détenteur de l’objet.
Jusqu’à nos jours, l’Homme recherche les vestiges du Tritaph et la clef qui l’accompagne, et ce, toujours sans succès. Véritablement, son existence même, n’est peut-être que légende… »

« J’adore cette histoire » dit Aldrick en souriant. Il referma le livre. « Qu’en pense… »
Il coupa court quand il réalisa que sa femme et son fils étaient maintenant profondément endormis. « Et bien, je le trouve très intéressant en tous cas », gloussa t’il, et soufflant la bougie qui fumait, s’étendit sur le dos et ferma les yeux avec un soupir de contentement.
 

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