L’Émergence de
L’Anéantisseur
Volume I
De la Série :
La Clef de la Création
De
M.D Bushnell & A.R. Voss
Traduit de l’Anglais
Par
Christian-Adam Ribeiraud
Ce livre est dédié à ma femme, Carrie, sans qui je ne
serais pas moi.
A.R. Voss
Je dédie ce livre à
ma Mère Kathryn, à qui je dois tout ce que je suis. Son Amour et son soutien
m’ont porté au travers des pires moments ; une dette que je ne pourrai
jamais rembourser. Je ne peux le dire assez… Je t’aime Maman !
M.D. Bushnell
Prologue
Les rayons brillants du
soleil couchant projetaient de longues
ombres pénétrantes, sur les cimes
enneigées des montagnes de Kalligros. L’obscurité se nichait parmi les tours et
les toits coniques de l’immense cité qui s’étalait aux pieds de ces Béhémoths,
géants de pierre assoupis. Recouverte par les grandissantes pointes élongées
des ombres, il était difficile de dire où finissait la Grande Cité de Kishen et
où commençait la chaine protectrice des montagnes.
Servant de Capitale à Illyria,
Kishen était la frontière nord du monde connu. Personne, de mémoire d’homme, ne
s’était aventuré au delà des imposants sommets enneigés du Nord ; ils étaient
impassables. L’endroit et la hauteur de ces gigantesques, monolithiques
gardiens nordiques, maintenaient le plus haut d’entre eux enfoui dans un hiver éternel.
Au sud de Kishen, se trouvait une
vaste étendue de champs de prairie de toundra. De longues herbes, se
balançaient en un va-et-vient incessant, en une danse ondulante menée par le
vent froid et persistant qui hurlait le long de sa descente des sommets environnants.
Il y avait un soupçon de Printemps dans l’air, mais ici, si loin au Nord, la
poigne de fer de l’hiver serrait encore tenacement le pays.
L’après-midi tardif se fondit dans
le soir alors que l’obscurité grandissante déplaçait lentement la lumière
mourante du jour. Les plaines qui menaient à la Cité étaient silencieuses,
excepté le sifflement du vent glacial du Nord et le cri solitaire de
l’appel d’un oiseau.
Un soudain tonnerre de sabots le
long de la route poussiéreuse qui menait jusqu'à la Cité, rompit la paix du
soir naissant. Un petit groupe de cavaliers, leurs armures et équipement
cliquetant au galop, ramenèrent leurs chevaux au pas à l’approche des portes
massives de la ville.
Un cavalier se détacha du groupe
et tendit au chef des gardiens de la porte de la ville, un parchemin plié,
tandis que les autres stoppèrent leurs montures épuisées. La lumière
faiblissant , le garde eut du mal à lire les ordres. Apparemment
satisfait, il rendit le parchemin au cavalier en hochant la tête.
« Le rassemblement est dans
le Grand Hall », dit le garde, leur faisant signe de passer.
Le chef des cavaliers, hocha
simplement de la tête et replia le parchemin, le remettant dans une poche
intérieure. Reprenant les rênes, il incita son cheval à passer la porte de la
ville sans un mot, suivi de près par ses compagnons montés.
Le garde marcha péniblement
jusqu'à sa petite loge de gardien en marmonnant une injure, tapant des pieds
pour les réchauffer de l’air glacial de la nuit. Il s’immobilisa quand il
aperçut un individu, grand et dégingandé, bondir hors du chemin des chevaux au
trot. Reconnaissant le maladroit personnage, son ami Warren, il se précipita
pour lui venir en aide.
« Tu es devenu fou ? Au
nom de l’Omni-Père, qu’est-ce que tu fous ? »
Avec un sourire penaud, Warren
accepta la main tendue. « Oui Dathan, tu me l’as déjà dis. Mais cette fois
ci, ce n’était pas ma faute. Ces chevaux sont apparus de nulle
part ! »
Warren se leva et brossa
futilement la boue de son pantalon, et secoua la tête.
« Honnêtement ! Pas de ma faute ! »
Dathan pointa un doigt à Warren et
dit en grondant d’un ton moqueur : « Si tu avais été piétiné par ces
foutus chevaux, peu importerait de qui était la faute, non ? »
Le
visage de Warren s’ouvrit d’un sourire en coin. « Je sais, je devrais
faire plus attention. »
Dathan
soupira et grommela une injure. « Qu’est-ce que tu fous là de toutes
façons ? »
Warren
se frotta les mains à sec et en vain, tentant de nettoyer la boue. « Je
cherche Prince Garrick. Il devait se présenter au Grand Hall pour le
rassemblement, mais il est en retard comme d’habitude. La mort prématurée
du Roi Hermanus en Asturia et leur tournoi sur le point d’avoir lieu, ce
rassemblement est particulièrement important. Le Roi Zabalan l’implora d’être
prompt pour une fois, mais bien sur, Garrick a disparu et comme d’habitude je
suis supposé le retrouver. Cette fois-ci je pense qu’il va y avoir des
ennuis. »
« J’arrive
pas à m’imaginer Prince Garrick avec de réels ennuis », Dathan secoua la tête.
« Et je pense qu’il s’en foutrait s’il en avait »
« Je
suis d’accord, mais je dois le retrouver quand même. Tu l’as vu ? »
Dathan
secoua la tête de nouveau. « Personne d’autre qu’un groupe de foutus
nobles sont passés par ici. »
L’arrivée
de la relève de la garde interrompit leur conversation. Dathan parla brièvement
avec l’un d’eux puis se tourna à nouveau vers Warren « Grace à
l’Omni-Père, je peux enfin rentrer chez moi. Qu’est-ce que tu vas
foutre ? »
Warren soupira. « Il semble
que mon sort dans la vie, est de trainer derrière Garrick. Je ne suis pas
certain qu’il le fasse exprès, mais il a l’air de vraiment prendre plaisir à me
tourmenter. Je ne sais, je devrais peut-être retourner voir s’il est au
rassemblement. »
« Bonne Chance mon pote
maladroit » Dathan répliqua avec un sourire narquois.
Warren le salua de la main et
retourna le long de la voie principale, vers le Grand Hall, situé dans le
Quartier Royal. Il y avait encore un endroit de plus qu’il pouvait vérifier de
ce coté de la ville. Puisque c’était sur son chemin du retour, Warren décida de
faire une visite rapide au White Horse Inn.
Warren se serra dans sa cape plus
étroitement contre le froid. De petits nuages de poussière tourbillonnaient
autour de ses pieds alors que les ténèbres recouvraient lentement la Cité
Montagnarde. Son estomac grommela, lui rappelant qu’il n’avait pas mangé depuis
le petit-déjeuner. Avec un peu d’espoir, pensa Warren, Garrick serait déjà au
Rassemblement. Il pourrait alors savourer son dîner et oublier cette fâcheuse
affaire.
A mi-chemin, Warren entendit le
bruit révélateur d’un autre groupe de cavaliers approchant la porte de la
ville. Les armures et les armes cliquetaient en harmonie inhabituelle avec le
hennissement de chevaux fatigués. Il trouvait bizarre, que des nobles
continuaient d’arriver à une heure aussi tardive, mais avec des participants
venant d’aussi loin qu’Asturia, ce n’était peut être pas si étrange après tout.
Un bruit étouffé venant de la
direction de la porte de la ville, attira son attention, mais dans l’ombre
lugubre et envahissante des Montagnes, il ne pouvait plus voir aussi loin. Il
s’immobilisa pour écouter, mais la clameur ambiante de la ville, déguisa tout
autre son de cette direction là.
Maudissant la distraction comme
une perte de temps, il retourna à contrecœur à la recherche du Prince
capricieux.
Warren continua, s’enfonçant dans
l’obscurité qui s’épaississait. A l’approche de la nuit, les bâtiments de
chaque coté de lui semblaient le dépasser en flottant comme des apparitions
tapies. Le scintillement sporadique des lampes à huile et des torches étaient
des yeux luisants, l’épiant de la pénombre, d’un regard libidineux. Malgré sa
cape chaude, l’air froid nocturne le fit frissonner. Jetant nerveusement des
regards furtifs autour de lui, il pressa le pas.
Approchant l’auberge du White
Horse Inn, Warren fut inondé par une cacophonie de sons et de lumières vives émanant
de l’établissement sordide. Prince Garrick était connu pour son habitude de fréquenter
subrepticement ce local occasionnellement quand il était d’humeur pour
« quelque chose d’un peu moins formel », comme le Prince aimait dire.
Prince Garrick était un grand
homme musclé, et le fils du Roi ; c’était ces qualités qui faisaient de
lui le favori des femmes. Ceci dit, le Prince avait peu de devoirs ou de responsabilités discernables,
hormis la soirée ou le gala occasionnel au Palais, qui requérait la présence de
la Famille Royale. Avec beaucoup de
temps libre, il faisait souvent la fête avec une ou plusieurs des belles dames
de la ville, quand il ne s’entrainait pas à l’épée. Parfois, sa compagne
pouvait être de classe Noble et digne du fils unique du Roi, mais il n’était
pas inhabituel de le trouver en compagnie de femme de moindre réputation. Le
Prince prétendait que l’Amour ne connaissait pas les lignes de démarcation des
classes, mais Warren n’était pas complètement clair sur sa définition de
l’Amour.
S’arrêtant au beau milieu de la
route, Warren considéra brièvement si une recherche au sein de l’auberge valait
vraiment le coup. Le Prince n’était pas venu ici récemment mais avait fait
quelques visites par le passé pour faire une pause des rigueurs de ne rien faire de toute la journée.
En soupirant, Warren décida de
prendre le temps et avança malgré lui vers les clameurs, les lumières et le
remue-ménage du White Horse Inn.
Warren était perdu dans ses
pensées quand il entendit soudainement le tapage des bruits de sabots d’une
chevauchée en provenance de la porte de la ville. Avec le cheval de tête
pratiquement sur lui, il plongea au dernier moment, évitant de justesse d’être
piétiné encore une fois. Roulant maladroitement sur lui-même, il se leva
péniblement et ébahit, suivit des yeux le dernier des cavaliers, alors que
celui-ci le passait dans un tonnerre de sabots. Son cœur battant, Warren ne vit
que des ombres menaçantes et indistinctes de très grands hommes en armure
lourde et ténébreuse. Les silhouettes menaçantes étaient encadrées par leurs
armes plus sombres encore : de larges épées, des massues, et haches de
guerre dépassaient des épaules ou étaient accrochées aux ceintures.
« Ca a été juste »,
Warren pensa tout haut. « Cette fois-ci ce n’était définitivement pas de
ma faute, ces chevaux sont apparut de nulle part ! »
Une recherche rapide de l’auberge
ne porta aucun fruit, comme il se l’était prédit. Se préparant à subir l’assaut
de l’air froid de la nuit, Warren sortit de la pagaille de l’auberge turbulente
et se retrouva à nouveau sur la route poussiéreuse. Ses mains enfoncées dans
les poches et un air découragé sur son
visage, il donna un coup de pied dans une pierre sur la route, réfléchissant à
ce qu’il pourrait bien faire ensuite.
Il ne pouvait pas prendre le temps
de fouiller chaque auberge et taverne de la ville. Le Rassemblement serait
terminé bien avant qu’il n’ait eu le temps de finir, et il n’y avait aucune
garantie qu’il retrouverait ainsi Prince Garrick dans tous les cas. Il avait
déjà cherché les divers endroits que le Prince avait pour habitude de hanter,
sans succès. Mettre la main sur le Prince bien souvent, vous donnait
l’impression de serrer une poignée de
sable dans sa main. Plus vous serrez et plus il se glissait simplement entre
vos doigts.
Sans recours productif, Warren
décida de retourner au Grand Hall dans l’espoir que Garrick soit finalement
arrivé. Apres tout, le Prince semblait vraiment prendre plaisir à faire ce à
quoi Warren s’attendait le moins.
« Je ne m’attends
certainement pas à ce qu’il soit au Grand Hall, c’est donc là qu’il doit
être! » dit il à l’air de la nuit avec un sourire et un petit rire
optimiste. Cependant, dès que les mots sortirent de sa bouche, il savait
aussitôt que c’était faux. Son sourire s’effaça lentement.
Warren arriva finalement au Grand
Hall, s’attendant à trouver le tumulte des Nobles buvant et riant et la clameur
des frivolités. Au lieu de cela, il fut
surprit d’entendre un tintamarre inhabituel.
En s’approchant, il pouvait
clairement entendre des hommes crier, et les bruits sourds d’une intense
bagarre. Se rapprochant de l’entrée, Warren vit les derniers soldats malabars,
ceux qui avaient faillit le renverser peu de temps auparavant, entrer par les énormes
portes de bois.
Un vent du nord glacial le cingla
et tira sur sa cape, puis continua en balayant tout sur son passage pour enfin
s’engouffrer dans le Grand Hall. Les flammes des torches accrochées aux
appliques murales ornées, vacillèrent et crépitèrent sous la bourrasque
obstinée. Il en résultat une danse folle des ombres qui masquaient et
révélaient alternativement le carnage qui avait lieu au sein du Grand Hall.
Le Grand Hall, qui était jusque-là
majestueux, était en pagaille, des bancs de bois étaient renversés, des choppes
de bières étaient tombées à terre et le chaos le plus total régnait.
Les adeptes soldats en armure
assenaient des coups de hache et d’épée aux Nobles terrifiés qui couraient en
rond en criant et suppliant qu’on leur épargne la vie. Les brutes sauvages ne
prêtèrent aucune attention aux Nobles et aux dirigeants Militaires, pendant
qu’ils procédaient méthodiquement au hachage et découpage de ceux qui s’étaient
rassemblés dans le Grand Hall.
Deux gardes arborant les couleurs
de la ville étaient près de la porte, se battant désespérément pour protéger le
Roi. Un immense homme vêtu d’une armure sombre et éclaboussée de sang, planta
sa hache cruellement dans le dos de l’un d’eux. Le garde survivant fut
brutalement décapité peu après, mettant ainsi une fin rapide à la bataille désespérée.
Le Roi Zabalan se tint figé sur
place alors qu’une fontaine de sang se répandait le long de ses robes
d’apparat. Son visage était un mélange d’effroi et de dégout. Avant même que le
Roi ne puisse bouger, deux soldats ennemis, vêtus d’armures cabossées et ensanglantées,
le restreignirent.
Dehors, depuis sa cachette, Warren vit une
silhouette émerger de l’ombre et s’approcher lentement du Roi. À la lueur
erratique et vacillante des torches, l’homme recourbé, vêtu de ténèbres, semblait
léviter vers le Roi. Warren, ébahi, vit ce qui semblait être une nuée d’ombres
vivantes, tourbillonner autour de la silhouette. Les ombres ondulantes, aussi
noires que la nuit la plus profonde, lui caressait le corps comme des serpents
vaporeux.
Clignant et se frottant les yeux
d’incrédulité, Warren observa l’homme courbé, engoncé dans sa bure d’ombres
couleur d’ébène, se mettre face-à-face avec le Roi terrifié et couvert de sang.
Il n’était pas suffisamment proche pour entendre ce qui se dit, mais d’après ce
qu’il pouvait lire sur le visage du Roi, ca n’avait pas l’air d’être une
conversation plaisante.
Après quelques instants d’une
extrême tension, l’homme en noir fit un geste en direction du Roi et le nuage
d’ombres sibyllines commença à s’étirer vers sa proie. Des vrilles obscures
atteignirent le Roi et s’entortillèrent autour de lui, s’enroulant de plus en
plus vite en serrant de plus en plus son corps jusqu'à ce qu’il soit
complètement enveloppé.
Une fois que son corps fut entièrement
recouvert, le cocon noir ralentit sa révolution jusqu'à ce qu’il s’arrêta et
demeura suspendu flottant comme un nuage noir de tempête, dénué de vie.
Graduellement, des pointes d’ombres
vivantes commencèrent à s’étirer hors de
la masse du nuage et retournèrent en flottant vers l’homme en noir pour
coalescer autour de lui et le revêtir d’ombres une fois de plus.
En quelques instants, tout ce qui
restait où le Roi Zabalan se tenait, n’était qu’une tache sombre et mouillée
sur les pierres froides du sol. Un lourd silence s’abattit sur le Grand Hall
alors que le dernier des Nobles tomba au sol avec une giclée de sang.
Warren se sentit mal à la vue du
carnage, et inconsciemment trébucha de l’avant. Sans réfléchir, il tendit la
main pour attraper une des massives portes de bois pour se soutenir. Avec son
poids pesant sur la porte, celle-ci s’ouvrit légèrement vers l’intérieur en
craquant, faisant ainsi grincer une des charnières bruyamment. Au soudain son
de grincement, l’homme des ténèbres et ceux qui se trouvaient près de la porte
firent volte-face, se tournant vers lui.
Warren se tint seul dans
l’embrasure de la porte, son cœur battant dans sa poitrine. Il était désormais l’unique
objet d’attention d’une salle pleine d’assassins. Figé un instant par la
terreur, son regard tomba sur le visage du mystérieux meurtrier toujours vêtu
de son habit d’ombres noires tourbillonnantes.
Illuminé uniquement à la lueur
vacillante des torches qui crépitaient, le visage coléreux mais très familier
qui le foudroyait du regard était celui du Roi Zabalan.
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